Détail de la réforme de la VAE prévue par le projet de loi « Marché du travail »
Le projet de loi « Marché du travail » a été définitivement adopté par le Parlement après un ultime vote du Sénat, jeudi 17 novembre 2022. Il porte une réforme en profondeur de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) qui, malgré des critiques sur la méthode du gouvernement, a fait consensus. Plus de 20 ans après sa création, le dispositif est totalement revu avec la création d’un service public de la VAE, la reconnaissance de la notion de parcours professionnel et l’acquisition d’un bloc de compétences.
Le projet de loi « Marché du Travail » « procède à une simplification de la VAE pour ouvrir grand les portes », a souligné Carole Grandjean, la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, lors des derniers débats sur le texte à l’Assemblée nationale, mardi 15 novembre 2022. « L’objet est de rendre la VAE plus attractive et moins administrative afin qu’elle soit enfin accessible à tous, notamment aux personnes les moins qualifiées », s’est-elle félicitée alors que le projet de loi est désormais définitivement adopté par le Parlement.
Après les députés, le 15 novembre, les sénateurs ont voté le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi, par 242 voix pour et 91 contre le jeudi 17 novembre 2022. Comme lors des précédentes étapes de discussion sur ce texte, les critiques se sont focalisées sur son volet assurance chômage. La réforme de la VAE et l’expérimentation d’une « VAE inversée », également portées par le projet de loi, ont pour leur part fait consensus lors de l’adoption au Sénat.
Règlementation à venir
La réforme de la VAE est nettement plus importante que celle qui était inscrite dans le texte initial présenté à la fin de l’été dernier. Le ministère du Travail et le ministère délégué à la Formation professionnelle ont choisi de présenter la réforme par voie d’amendements. Assumée par le gouvernement, cette méthode a fait l’objet de critiques lors des débats parlementaires. Mais le travail n’est pas encore terminé. Le projet de loi rénove en effet le cadre de la VAE mais renvoie le détail du futur dispositif à des dispositions réglementaires.
Après le vote du projet de loi par les chambres (assemblée Nationale et Sénat), une nouvelle étape fondamentale, qui relève de la compétence du gouvernement est en attente. Dans cet esprit la ministre a promis aux assemblées des textes à venir à la hauteur des ambitions inscrite dans le projet de loi. Elle a insisté sur un parcours de VAE fondé sur la confiance envers les candidats, plus respectueux de leurs compétences réelles. Elle a confirmé que des travaux seront menés avec l’ensemble des certificateurs pour faire évoluer les règles de composition et d’organisation des jurys de manière à réduire les délais d’accès à la certification.
Un décret est également attendu pour préciser les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation, intégrée au projet de loi lors son examen en première lecture au Sénat.
La réforme de fond
Initialement destinée à ouvrir la VAE aux publics spécifiques que sont les proches aidants et les aidants familiaux, la réforme inscrite à l’article 4 du projet de loi initial sur le « Marché du travail » a donc changé de dimension au cours des débats. Finalement, ce dispositif d’accès à la certification, initié il y a plus de 20 ans avec la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, se trouve totalement renouvelé.
En clair, l’acquisition d’une certification professionnelle enregistrée au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), mais il sera désormais aussi possible de ne viser qu’un bloc de compétences d’une certification enregistrée dans ce répertoire. Au-delà de l’objectif visant à permettre des parcours plus courts, il s’agit d’une évolution majeure dans l’esprit du dispositif vu, à l’origine, comme une voie d’accès alternative aux diplômes et certifications professionnels.
Autres changements structurels : la formalisation d’un « parcours de VAE », avec le doublement du congé VAE accordé par l’employeur pour le mener à bien (de 24 à 48 heures par session de validation), Il est prévu de créer un service public de la VAE mis en œuvre par un GIP et qui sera accompagné par la création d’une application destinée à simplifier et faciliter l’accès à la validation des acquis de l’expérience, comme le Compte Formation l’a fait avec le CPF à la suite de la réforme de 2018. Une évolution pour la ministre qui affiche l’objectif de passer de 30 000 validations à 100 000 par an.
L’enseignement supérieur inquiet
Dans une volonté affichée de simplification et de clarification, le projet de loi supprime un grand nombre de références à la VAE qui sont encore inscrites dans le code de l’éducation pour intégrer plus clairement ce dispositif dans le code du travail. C’est une démarche, similaire à celle menée pour l’apprentissage avec la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018. Celle-ci a une forte valeur symbolique qui pourrait renforcer les inquiétudes des acteurs de l’enseignement supérieur et de l’Éducation nationale.
Des inquiétudes qui se matérialisent en outre autour d’un des aspects de l’expérimentation Reconnaissance de l’expérience et de la validation des acquis (REVA) lancée en septembre 2021 qui sert de base à cette réforme de la VAE. Elle devrait être introduit par voie réglementaire dans le dispositif : à savoir, création d’architectes de parcours. Appelés à accompagner les candidats à la VAE tout au long de leur parcours, ces derniers sont perçus par les acteurs de l’enseignement supérieur comme de potentiels concurrents au service des certificateurs privés.
Détail des mesures
Visées de la VAE. Introduite par les sénateurs contre l’avis de la ministre déléguée à la Formation professionnelle, la dimension universelle de la VAE est finalement restée dans le projet de loi. En conséquence, la définition de la VAE est simplifiée et l’article du code du travail précisera simplement que toute personne est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle. Par conséquent il ne sera plus fait référence ni au fait qu’il est nécessaire d’être engagé dans la vie active pour en bénéficier, ni à l’énumération des situations permettant d’y prétendre.
Service public de la VAE. Un service public de la VAE va être formalisé dans le code du travail, au chapitre Ier du titre Ier du livre IV. Il aura pour mission d’orienter et d’accompagner toute personne demandant la validation des acquis de son expérience et justifiant d’une activité en rapport direct avec le contenu de la certification visée.
La mise en œuvre de ses missions. Au niveau national elle sera assurée par un GIP (groupement d’intérêt public) constitué par l’État, les régions, Pôle emploi, l’Afpa, les Opco et les associations paritaires Transitions Pro (en tant que membres de droit), auxquels pourront s’ajouter d’autres personnes morales publiques ou privées. Ce GIP contribuera à l’information des personnes et à leur orientation dans l’organisation de leur parcours, à la promotion de la VAE en tenant compte des besoins en qualifications selon les territoires, à l’animation et à la cohérence des pratiques sur l’ensemble du territoire. Il devra également permettre d’assurer le suivi statistique des parcours.
Même si cette disposition n’est pas formellement inscrite dans le projet de loi, le GIP pourra mettre en œuvre, dans la continuité de ce qui se fait dans le cadre de l’expérimentation Reva, une plateforme numérique destinée à devenir le guichet unique de la VAE, concentrant les informations et les efforts de promotion du dispositif.
Parcours de VAE. De manière opérationnelle, le projet de loi formalise la notion de parcours de VAE, en précisant qu’il comprend les actions d’accompagnement mises en place dans le cadre de la phase de recevabilité du dossier ainsi que, le cas échéant, les actions de formation ou les périodes de mise en situation en milieu professionnel nécessaires à la validation de la certification visée. Ce volet de la réforme a vocation à être précisé par voie réglementaire.
Le corollaire de la création de ce parcours est la suppression de la phase administrative de recevabilité du dossier, aujourd’hui formalisée par un Cerfa, et la mise en œuvre de l’accompagnement des candidats dès cette première phase de leur parcours avec une question majeure, qui n’est pas encore tranchée : quel financement pour cet accompagnement et par quel acteur, sachant qu’aujourd’hui la compétence relève des régions. Le projet de loi prévoit d’ailleurs que ces collectivités pourront intervenir sans attendre que le dossier de VAE du candidat ait été déclaré recevable, de manière à pouvoir prendre en charge cet accompagnement.
Les Périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP).
En clair, pour faciliter l’accès à la VAE, les dispositions relatives à la prise en compte des PMSMP sont assouplies. Ainsi, la durée minimale d’activité requise pour que la demande de validation soit recevable peut également prendre en compte, que celles-ci soient réalisées de manière continue ou non, les périodes de stage, les périodes de formation initiale ou continue en milieu professionnel, ainsi que les périodes de mise en situation en milieu professionnel.
Congé de VAE. Pour faciliter l’accès à la VAE et l’accompagnement de ces parcours, la durée de l’autorisation d’absence accordée à un salarié qui fait valider les acquis de son expérience, est doublée pour aller jusqu’à 48 heures par session d’évaluation, contre 24 heures actuellement. De plus, la possibilité d’allonger ce congé de VAE par accord collectif (national interprofessionnel, de branche ou entreprise) est élargie à l’ensemble des salariés. À l’heure actuelle, cette possibilité n’est prévue que pour les salariés n’ayant pas atteint un niveau de qualification fixé par décret ou dont l’emploi est menacé par les évolutions économiques ou technologiques.
Financement par les Transitions Pro. Le financement forfaitaire des parcours de VAE par les associations paritaires, Transitions pro, expérimenté depuis le printemps 2020, va être pérennisé. Les modalités de cette disposition restent à clarifier.
VAE inversée. Le ministère du Travail et le ministère délégué à la Formation professionnelle ont par ailleurs introduit, lors des débats au Sénat, une expérimentation de « VAE inversée » dans le projet de loi. Cette expérimentation vise à « favoriser l’accès à la certification et à l’insertion professionnelles dans les secteurs rencontrant des difficultés particulières de recrutement ». Elle est prévue pour durer trois ans et pour commencer « au plus tard le 1er mars 2023 ».
Concrètement, cette expérimentation, dont les contours seront précisés par décret. Elle s’appuiera sur le support juridique du contrat de professionnalisation, assoupli pour l’occasion, et permettra d’inclure des actions de VAE pendant la durée du contrat.
Dans le cadre de cette expérimentation, le cadre du contrat de professionnalisation va être élargi pour intégrer un accompagnement à la VAE et des périodes de reconnaissance des acquis des expériences. Ces dernières devraient pouvoir être prises en compte qu’elles aient été acquises en amont de l’entrée en contrat de professionnalisation ou au cours de ce contrat. Cette évolution pourrait préfigurer une évolution du contrat de formation en alternance. Carole Grandjean a inclus le contrat Pro parmi les dispositifs à redéfinir pour mieux prendre en compte les enjeux de la reconversion professionnelle.
Le projet de loi prévoit concrètement que, pour la mise en œuvre de cette expérimentation, il pourra être dérogé aux dispositions légales concernant le contrat de professionnalisation et relatives :
- Aux qualifications éligibles (article L.6314-1 du code du travail) ;
- À l’objet du contrat et aux publics éligibles (article L.6325-1) ;
- À l’alternance entre formation pratique et théorique afin d’intégrer des actions de validation des acquis de l’expérience (article L.6325-2) ;
- À la durée du contrat (article L.6325-11) ;
- À la durée minimale de l’action de formation (article L.6325-13) ;
- Aux modalités de financement des contrats par les opérateurs de compétences (article L.6332-14). »