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La négociation d’une rupture conventionnelle

Articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail.

La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) qui résulte d’une convention par laquelle l’employeur et le salarié conviennent en commun des conditions de la rupture du contrat qui les lie. Ce mode de rupture présente un réel intérêt pour le salarié dans la mesure où il lui permet de bénéficier de l’assurance chômage et d’une indemnité de rupture négociée. Une fois que les parties sont d’accord sur le principe d’une rupture conventionnelle, les principaux éléments qui feront l’objet d’une négociation sont l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et la date de la rupture. Néanmoins, d’éventuelles autres clauses peuvent aussi être négociées.

La négociation sur le principe du recours à la rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle ne pouvant être imposée ni par l’employeur, ni par le salarié, les parties doivent tout d’abord s’entendre sur le principe du recours à ce mode de rupture.

Si l’employeur est réticent il peut lui être rappelé que ce mode de rupture lui offre une réelle sécurité juridique. En effet, dans le cadre d’une rupture conventionnelle l’employeur n’a pas à invoquer le moindre motif de rupture ce qui limite les possibilités de contestation.

La CFTC recommande au salarié d’éviter, dans la mesure du possible, de laisser une trace écrite de sa volonté de conclure une rupture conventionnelle. En effet, un tel écrit pourrait éventuellement lui être préjudiciable en cas d’échec des négociations de la rupture conventionnelle. Dans cette hypothèse la relation contractuelle devra se poursuivre, pourrait se dégrader et déboucher sur un licenciement. En cas de contestation du licenciement par le salarié, celui-ci sollicitera des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte de son emploi, mais ce préjudice pourra être considéré comme moindre dès lors que l’employeur prouve que le salarié souhaitait, de toute façon, quitter l’entreprise.

L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle

  • Une indemnité au moins égale à l’indemnité légale de licenciement

L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle négociée ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement ou à l’indemnité conventionnelle de licenciement (c’est-à-dire l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective applicable). Si celle-ci est plus favorable

L’indemnité légale de licenciement se calcule comme suit :

  • 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ;
  • 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années au -delà de 10 ans.

L’indemnité légale de licenciement ne bénéfice qu’aux salariés ayant au moins « 8 mois d’ancienneté ininterrompus » au service du même employeur. Il n’est donc pas prévu par la loi que les salariés ayant moins de 8 mois d’ancienneté puissent bénéficier d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Néanmoins, l’administration considère que dans ce cas, l’indemnité spécifique est due et qu’elle doit être calculée au prorata du nombre de mois de présence du salarié. À ce jour cette question n’a pas été tranchée par la Cour de cassation mais il semble que dans l’hypothèse d’un salarié de moins de 8 mois d’ancienneté, l’administration n’homologuera pas à priori la rupture conventionnelle si celle-ci ne prévoit pas d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

La règle selon laquelle l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement est issue de l’avenant du 18 mai 2009 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008. Cette règle n’est pas applicable dans les secteurs qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’ANI : les professions agricoles, les associations, les professions libérales, le secteur de l’économie sociale, le secteur sanitaire et social, de l’édition, les particuliers employeurs et les journalistes. Dans ces secteurs les entreprises sont seulement tenues au versement d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle au moins égale à l’indemnité légale de licenciement.

Si le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est inférieur à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement l’administration n’homologuera en principe pas la rupture conventionnelle. Si elle le faisait malgré tout alors le salarié pourrait saisir le conseil de prud’hommes d’une demande en complément d’indemnité. Cette demande doit être formée en respectant le délai de prescription de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention. Un montant inférieur au minimum légal ou conventionnel n’a en revanche pas pour conséquence d’entrainer la nullité de la convention.

L’un des principaux intérêts de la rupture conventionnelle pour le salarié est de négocier une indemnité spécifique de rupture conventionnelle supérieure au minimum légal ou conventionnel. Aucun montant maximum de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle n’est prévu par la loi mais le barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse, dit « barème Macron », constitue un maximum de fait étant donné que les employeurs n’ont à priori aucun intérêt à le dépasser.

Le différé spécifique d’indemnisation

Le salarié peut ainsi obtenir un montant égal à l’indemnité de licenciement augmenté d’une part dite « supra légale ». Toutefois, la part supra légale de l’indemnité négociée à une incidence sur le point de départ de l’indemnisation au titre de l’assurance chômage.

En effet, lorsqu’un salarié à perçu une indemnité supra légale, Pôle emploi lui applique un différé d’indemnisation spécifique qui vise à reporter le versement des allocations de chômage à l’expiration d’un délai calculé en tenant compte de la partie supra légale de l’indemnité perçue.

Ce différé, exprimé en jours, se calcule comme suit : Part supra-légale de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle / 95,8.

La durée maximale du différé spécifique est fixée à 150 jours calendaires. Le montant maximal de supra légal occasionnant du différé d’indemnisation est donc de 14 370 euros (150 x 95,8).

À ce différé d’indemnisation spécifique s’ajoutent le délai d’attente automatique de 7 jours et le différé d’indemnisation congés payés calculé en fonction du nombre de jours de congés indemnisés à l’occasion de la rupture.

Le régime fiscal et social de l’indemnité spécifique de rupture

Dès lors que le salarié n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, l’indemnité de rupture conventionnelle est exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu dans la limite du plus élevé des montants suivants :

  • Le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective ou à défaut par la loi ;
  • Deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail ;
  • La moitié du montant total des indemnités de licenciement perçues, si ce seuil est supérieur.

L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est en outre exonérée de CSG/CRDS dans la limite du montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Lorsque le salarié est en droit de percevoir une pension de retraite d’un régime obligatoire, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle perd son caractère exonéré, elle est alors intégralement imposable et soumise à cotisations sociales et à CSG/CRDS.

La date de la rupture

En ce qui concerne la date de la rupture, celle-ci est librement fixée par les parties. Elle ne peut toutefois intervenir moins d’un mois après la signature de la convention. Chaque partie bénéficie en effet d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires à compter de la signature, délai à l’issue duquel la convention est soumise à l’homologation de la DREETS qui dispose d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables. Les parties peuvent, en revanche, fixer une date de rupture plus lointaine. L’ancienneté portée sur le formulaire de demande d’homologation doit alors tenir compte de la date effective prévue pour la rupture.

En dehors de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et de la date de rupture, d’autres éléments peuvent être négociés. Il peut par exemple être prévu dans la rupture conventionnelle que le salarié sera dispensé d’activité avec maintien de salaire jusqu’à la rupture effective du contrat, qu’il soldera ses congés payés jusqu’à la rupture ou encore le rachat d’une voiture de fonction.

La procédure

La conclusion d’une rupture conventionnelle est subordonnée à l’organisation d’un ou plusieurs entretiens entre les parties (Article L. 1237-12 du Code du travail). Au cours de ces entretiens, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant à l’entreprise ou, à défaut d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié.

Si vous êtes engagés dans une telle procédure et que votre entreprise n’est pas dotée d’institutions représentatives du personnel, nous vous recommandons de contacter votre Union départementale afin de vous faire assister par un conseiller du salarié.

Organiser plusieurs entretiens n’est pas obligatoire mais la tenue d’au moins un entretien est une condition substantielle de la rupture conventionnelle. L’absence d’entretien constitue une cause de nullité de la convention de rupture.

L’article L. 1237-12 du Code du travail ne prévoit pas de délai entre la tenue du ou des entretiens et la signature de la convention de rupture. Elles peuvent ainsi avoir lieu le même jour.

Une fois qu’au moins un entretien a été réalisé et que la convention de rupture a été signée, le formulaire de demande d’homologation doit être envoyé à la DREETS par « la partie la plus diligente » (la plupart du temps c’est l’employeur qui s’en chargera) pour homologation après expiration d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires.

La convention doit absolument être établie en trois exemplaires : un pour l’employeur, un pour le salarié et un destiné à l’administration. Un exemplaire doit nécessairement être remis au salarié, sous peine de nullité de la rupture valant licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 6 févr. 2013, nº 11-27.000 ; Cass. Soc., 23 sept. 2020, nº 18-25.770).

En vertu de l’article L. 1237-13 du Code du travail la rétractation est exercée « sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie ». En cas de rétractation la procédure est rompue et la relation de travail se poursuit dans les mêmes conditions qu’auparavant.

L’inspection du travail a un délai de 15 jours ouvrables pour homologuer la rupture. À compter de la réception du courrier d’homologation, la rupture sera effective à la date convenue par les parties.

S’agissant des salariés protégés on ne parlera pas de demande d’homologation mais de demande d’autorisation. La rupture conventionnelle est possible mais sera subordonnée à l’autorisation de l’inspecteur du travail.